Emma, María et Teresa,
de Leopoldo Alas « Clarín ».
en: Ph. Meunier, E. Samper (comp.), Mélanges en hommage à Jacques Soubeyroux, Saint-Etienne, Editions du CELEC, 2008, pp. 423-432.
Emma, María et Teresa,
de Leopoldo Alas « Clarín ».
en: Ph. Meunier, E. Samper (comp.), Mélanges en hommage à Jacques Soubeyroux, Saint-Etienne, Editions du CELEC, 2008, pp. 423-432.
Le 13 mars 1895, en pleine préparation de la mise en scène de son « ensayo dramático en un acto y en prosa », Teresa, dont la première aura lieu le 20 mars, Leopoldo Alas Clarín adresse depuis Oviedo à celle qui, à Madrid, doit jouer le rôle titre, María Guerrero, la recommandation suivante : « Usted para hacer boca lea en Renan Hojas sueltas (en francés) lo de la bretone [sic], al principio », c’est-à-dire, comme le suggère justement Guastavino Gallent (1971, 152), Emma Kosilis, l’héroïne du récit sur lequel s’ouvrent les Feuilles détachées que Renan avait publiées, en 1892, peu avant sa mort, et que Clarín avait longuement évoqué dans « Mi Renan », le 5 décembre de la même année (Alas, 2005, 444) .
Leopoldo Alas suggère donc à María de chercher dans la bretonne Emma une inspiration pour incarner l’asturienne Teresa.
Sachant l’importance quasi obsessive que Clarín attache à cet essai de rénovation de l’art dramatique, dans la lignée d’Antoine, et son admiration ancienne pour Renan et son œuvre, y compris dramatique, ce qui, de prime abord, paraît anecdotique peut, au delà du texte et de ses didascalies, servir à préciser les attentes pygmalionesques de l’auteur, éclairer le profil psychologique du personnage dans la représentation qu’en a l’auteur et donner une clef pour la genèse de la pièce, mais aussi, dans une certaine mesure, expliquer l’échec de la tentative…
Un auteur metteur en scène. La critique a justement insisté sur le soin apporté par Clarín dans la production du texte, à en préparer et contrôler la réalisation scénique[1], soit la visualisation : comme l’observe Jesús Rubio (1982, 160), « el texto está empedrado de acotaciones de un detallismo inusual en la época ».
Celles-ci qui relèvent sans doute du « naturalismo escenográfico[2] », concernent évidemment les décors et l’atrezzo et on sait toute l’attention que Clarín porte, par exemple à ce que le foulard de Teresa soit bien asturien et noué à la façon des Asturies, que le foin collé par la sueur sur le front et la gorge de Rita soit effectivement du foin, que la lampe de mineur soit une vraie lampe de mineur, au point de proposer d’en expédier une à Madrid depuis les Asturies[3].
Mais les nombreuses didascalies qui accompagnent le « texto vivo » comme dit Alas (Guastavino, 1971, 144) s’efforcent aussi d’orienter le jeu des acteurs[4], avec une « exactitud matemática » (Ortega, 1964, 273). Comme l’écrit l’auteur à María Guerrero qui est aussi la directrice de la compagnie, « como la acción he procurado que fuera en efecto acción[5], yo voy indicando lo que he visto que hacen los personajes, no sólo lo que dicen. Esto hay que tenerlo muy en cuenta » (Guastavino, 1971, 141) ; et quelques jours plus tard il précise bien que « las explicaciones que acompañan al texto vivo en Teresa son abundantes, minuciosas, precisas y con fijarse bien en ellas y cumplirlas fielmente se puede adelantar mucho » (Guastavino, 1971,144). Et si tel personnage lui semble risquer d’être mal compris, sous-estimé ou mal interprété, il prend soin d’attirer l’attention de María Guerrero sur le fait, par exemple, que « Rita parece poco y no lo es. Ayudaría mucho una buena mímica » (Guastavino, 1971, 141). Le cas échéant, devant le risque de voir son texte coupé en son absence, il en justifie la nécessité absolue pour la configuration du personnage, comme dans le cas de la « escena larga » indissociable, selon lui, de la « lógica del carácter, de la acción, de la idea íntima » (Guastavino, 1971,148): « toda esa historia y psicología es necesaria para que Teresa sea lo que es », précise-t-il (Guastavino, 1971, 148). Pour Romero Tobar (2006, 1313), cela révèle chez l’auteur « una conciencia vigilante por la exactitud verista de la reconstrucción de un « documento humano »[6].
L’auteur-metteur en scène -et acteur en puissance[7]- s’efforce donc en amont de la représentation, dans son texte, par le biais des « muchísimas acotaciones, o como se llamen » –Clarín parle aussi d’explications-, mais aussi par des recommandations ou commentaires faits à distance[8], de maîtriser une mise en scène à laquelle il ne peut assister puisqu’il est à Oviedo, mais dont il a de toute évidence une claire vision, revendiquant ainsi sa totale responsabilité d’auteur sur le texte et le sens que peut lui donner la mise en scène et le jeu des acteurs[9].
De là le soin mis à convaincre María Guerrero par laquelle, en tant qu’actrice et directrice de la compagnie, doit passer la visualisation de l’oeuvre pour le public, de mettre en oeuvre les recommandations de l’auteur pour que « mi Teresa », écrit Clarín, devienne « nuestra Teresa (si Dios quiere) » (Guastavino, 1971, 140).
Pour cela, il est indispensable que María Guerrero elle-même devienne la Teresa de Clarín : « Hágamela usted suya, penétrese bien en ella » (Guastavino, 1971, 142), lui demande-t-il...
C’est dans ce contexte, alors que la première représentation approche, qu’intervient l’invitation à se référer à « la bretonne », à l’Emma Kosilis de Renan.
Emma et Teresa. Pour comprendre toute la portée de la recommandation, il faut rappeler, avec Y. Lissorgues (1983, 336), l’énorme influence que Renan a pu exercer « sur la pensée profonde de Clarín ». Moins l’historien positiviste ou l’espèce de Littré « aficionado a la música...filosófica » que Deschamps voulait voir en lui, que l’apôtre de la tolérance, celui qui a conquis la paix de l’âme après avoir connu la tourmente dans la recherche de la vérité (Clavería, 1945, 35 ), « el austero y alegre discípulo de Marco Aurelio », le Renan « idealista de anhelos religiosos », maître dans le courant du « gran renacimiento de la idealidad » et plus encore, peut-être, l’homme, le Renan intime et poétique, celui du cœur et de l’imagination, « cuando escribe de lo que le llega a él más al alma, de su amores, de sus ideales, de sus recuerdos » (Alas, 2003, 1789), le Renan dont Clarín se promet de faire un jour dans un livre qui s’appelerait Mi Renan, une lecture « hecha con toda el alma, con el corazón abierto a todos los efluvios de simpatía que de estas páginas emanan como un perfume » (Alas, 2003, 1794), bref, « l’auteur d’Emma Kosilis ».
« Se trata de una mujer bretona, écrit Clarín (Alas, 2003, 1788-9), heroína de un amor idealista, obstinado, invencible. Y dice Renan, al hablar de la melancolía contemplativa de los de su raza […] –Clarín traduit du français[10]- : « Hay pocas vidas fuertes en cuya base no se encuentre el secretum meum mihi de los grandes solitarios y de los grandes hombres. El amor de la soledad viene generalmente de un pensamiento interior (así dice) que lo devora todo en derredor suyo. Un día citaba yo a mi hermana la frase de Kempis : In angello cum libello… y ella la tomó por divisa. Vivir entre sí mismo y Dios es la condición para influir en los hombres y dominarlos… No sabrán jamás los hombres nada de esos ejemplos extraordinarios de fuerza moral con que se regocija El Eterno, celoso testigo de las almas, que guarda para sí los más hermosos espectáculos… El temperamento melancólico, ¿lo diré ? es, en algo, el temperamento de El Eterno. La delectatio morosa de la Edad Media es, en cierto sentido, la fórmula suprema del universo… » (Alas, 2003, 1789)[11].
Dans cette focalisation sur le début du premier récit du recueil de Renan, et sur son héroïne, il est évidemment tentant de trouver une sorte de programme ou justification pour ce que sera le personnage dramatique, dans le texte et sur la scène.
Ce sont par exemple les considérations de Renan (1948, 953) sur les traits d’idéalisme du caractère breton illustré par ces « domestiques bretonnes, leur « rêverie mystique » et surtout leur « besoin de solitude obstiné » au fond duquel le plus souvent se trouve « un amour d’enfance, comprimé, chimérique […]. Inavoué pour le dehors, ce sentiment règne au dedans, comme en un silence absolu. Rien n’existe pour un tel état d’âme, rien ne plaît que la pensée chère » ; ce que doit ressentir Teresa l’asturienne quand elle évoque devant son « señorito » Fernando le sentiment sans nom qu’elle éprouvait pour lui : « lo que usted era para mí… no le daba nombre… no soñaba con que usted me quisiera ; no lo llamaba así, a lo menos » (Alas, 1975, 96-97). De même Fernando n’est pas sans rappeler Emilien, celui qui « se trouva occuper toute la cavité » du « petit cœur » d’Emma Kosilis (1948, 958) : un « être médiocre et passif » (1948, 960) qui se laisse marier par sa mère tout comme Fernando laisse sa mère éloigner Teresa de lui.
Comme Emma, Teresa se sacrifie au nom d’une « conception supérieure de la vie envisagée comme un devoir », déjà présente dans L’Abbesse de Jouarre et que Leopoldo Alas connaissait bien, une conception chrétienne -et non socialiste- puisque, comme l’assure l’auteur, Teresa trouve sa consolation « en la idea esencial del matrimonio cristiano ». Avec Emma Kosilis, c’est l’abnégation, mais aussi la souffrance qui s’exprime, « valor muy querido por el Clarín espiritualista de la madurez », pour son rôle rédempteur, écrit Romero Tobar (2006, 1313), présent chez la « mártir-casera » Teresa, «símbolo de la caridad de la herida del matrimonio pobre, miserable » (Guastavinos, 1971, 147). Et, comme chez Renan, s’affirme dans la pièce la consubstantialité de l’amour et du sacré : « al pie de mi cruz », dit Teresa, comme Emma Kosilis (« vieille église » en breton) gardera au fond de son alcôve, suspendue à un clou, sa discipline de religieuse.
Il serait évidemment abusif de dire que Leopoldo Alas livre une source… Ce qui est sûr, en revanche, c’est que le personnage d’Emma l’a fortement impressionné, au point de penser que María Guerrero puisse s’en inspirer pour interpréter Teresa. En plongeant dans cette pensée intérieure, ce secretum meum mihi, cet entretien prolongé avec soi, ce tempérament mélancolique que Renan voit comme une caractéristique de l’âme bretonne, et où Clarín manifestement se reconnaît au point de transférer dans le personnage de l’humble Teresa, ancienne domestique, des traits que Renan attribue aux domestiques bretonnes ou incarne dans Emma, cette idée de douce résignation et d’intense amour, d’actes et d’expressions ne laissant rien transparaître de ce qui habite l’intérieur de l’âme, l’absence d’émotion apparente, « sans hauts ni bas », comme dit Renan, et qui cache un profond sentiment. En souhaitant, sans doute, que María puisse exprimer cette énigmatique et impénétrable intériorité, « le sourire de l’âme » (Lissorgues, 1994, 697), « le plus beau des spectacles, que Dieu se réserve » et qu’il faut donner à voir[12], et encore plus à sentir et partager.
Résigné peut-être à ne pouvoir dire tout cela avec des mots ou à le transposer sur la scène, Clarín veut imaginer que María retirera de l’improbable lecture d’Emma Kosilis[13], l’essence de ce que lui même a ressenti et s’évertue à exprimer ou faire exprimer, à moins qu’il ne livre, au détour d’une lettre, une clef parmi d’autres pour la génèse de sa Teresa, et le sens profond qu’il a voulu lui donner...
La projection dans un triple personnage féminin. Si l’on en croit L. Alas, le passage à l’acte d’écriture de Teresa est le fruit d’une suggestion conjointe de María Guerrero et de Galdós. Pour lui qui a vu María dans la « divina escena del Castigo sin venganza en que la madrastra confiesa su pasión en mudas [sic] e inflexiones de voz » (Guastavino, 1971, 153), María Guerrero est « una de las pocas mujeres listas con alma que tenemos », comme il le dit a Galdós (Ortega, 273), « actriz y poesía ». A la différence de Galdós il dit savoir percevoir « las dotes de una artista poética, como usted es », et ne pas seulement considérer « el artista de la escena » como « un medio para su obra », mais comme une « fin a que deba supeditarse la obra, en ciertos casos » (Guastavino, 1971,153). Il n’est donc pas à exclure qu’il écrive Teresa « pour María Guerrero », qu’au delà du personnage, il se projette en elle, en pensant à sa capacité d’interprétation quasi fusionnelle de sa Teresa[14].
Celle qui, comme la Noémi de Renan[15], a surgi du plus profond de sa mémoire affective de Leopoldo Alas (Romero Tobar, 2006, 1308), la Teresa qui fut un amour d’enfance ou d’adolescence[16], qui lui a servi d’idée initiale pour la protagoniste de son projet et que le hasard a voulu qu’il croise sur la route de Veriña alors qu’il n’a pas encore achevé l’écriture de Teresa[17] ; celle qui figure sur la photo qu’il se propose d’adresser à María Guerrero sans doute pour qu’elle puisse mieux se glisser dans la peau et le costume du personnage[18].
Mais pour ce qui est de l’interprétation de sa dimension spirituelle, intime, profonde,c’est sans doute au « silence absolu » des domestiques bretonnes et à Emma Kosilis, comme Teresa silencieuse et souffrante dans son amour[19] et ressurgie chez un Renan à l’extrême bout de sa vie à travers le souvenir de sa sœur[20] que Leopoldo Alas souhaiterait que María Guerrero se refère.
Dans la représentation de Clarín, les trois composantes féminines sont sans doute présentes dans la génèse du personnage dramatique dont il attend qu’il soit donné à voir et compris dans toute sa complexité structurelle. Une complexité accrue par le fait que, sans avouer comme Renan le désir de « renaître femme pour pouvoir étudier les deux façon de vivre la vie humaine (…), pour comprendre les deux poésies des choses »[21], il existe chez Leopoldo Alas, pour Teresa comme pour Ana Ozores, une étonnante capacité à se glisser dans les profondeurs de la psychologie, de la sensibilité et l’âme féminine, et peut-être de s’y reconnaître.
Il y avait sans doute trop de complexité dans cela, et ni le regard ou les commentaires de Fernando qu’il se serait bien vu jouer d’ailleurs[22], ni les explicitations de l’implicite de son texte par l’auteur ne suffisent à faire véritablement comprendre Teresa à María Guerrero et par conséquent au public. La fusion imaginée et plus encore souhaitée entre Teresa, Emma et María ne se produira pas : « Como yo me la había figurado era una cosa demasiado grande para ser verdad » reconnaît l’auteur, même s’il continue de penser que « bien podía o debía ser como yo me la figuro » (Guastavino, 1971, 153).
Avec Teresa que Leopoldo Alas voyait pourtant « propia para nuestro teatro » (Guastavino, 1971, 140), l’essai –la « ilusión teresiana » comme dit Romero Tobar (2006, 1312)- se solde donc par un échec sur lequel Clarín s’est largement et publiquement exprimé, en défendant son œuvre contre la critique et le public[23].
Mais sa plus profonde déception vient sans doute de l’impossibilité de donner à entendre, voir et sentir Teresa comme il l’a imaginée et souhaitée, de faire exprimer par le jeu des acteurs et surtout de María Guerrero qui ne prit certainement le temps de lire Emma Kosilis, ce qu’il a vu au fond de Teresa et que les seuls mots -« texto vivo » ou didascalies- sont impuissants à exprimer.
Ce qui est sûr, c’est que malgré l’existence affirmée et pour partie réalisée de nombreux projets dramatiques organisés autour d’un personnage féminin comme La millonaria, Julieta, Clara fe, etc. ou Magda de Sudermann et qu’il voyait comme devant être interprétés par María Guerrero[24], Leopoldo Alas ne réussira pas à produire de nouvelle œuvre ni à associer l’actrice à un rôle de son choix.
Cette envie définitivement frustrée d’une nouvelle paternité auctoriale et pygmalionesque sera cruellement brocardée, le 1er avril 1897, par le caricaturiste de Juan Rana…et Teresa restera sa pièce unique…
J.-F Botrel (Université Rennes 2-UNED).
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[1] « Vemos a Clarín presa de las inquietudes de un autor novel, preocupándose por los actores que han de interpretar la obra, por los más mínimos detalles del atrezzo, por los cortes que han de practicarse en el texto de su comedia, por la forma que hay que interpretar determinadas escenas, por el temor de plagio de otras obras contemporáneas anteriores a la suya, etc. » (Guastavino, 1971, 135). Voir également Sánchez (1987).
[2] « mi obra no es de geografía, pero sin alarde de eso, quiere aproximarse a la realidad », écrit Alas (Guastavino, 1971, 147) ; « no quiero color local como propósito, pero sí verdad local sin darla mérito ni acentuarla » (Guastavino, 1971, 149). En ce sens, il se situe tout à fait dans la lignée d’Antoine (1921).
[3] « Los objetos de color local podrán ir de aquí, si no parecen ahí adecuados » (Guastavino, 1971, 135).
[4] Y compris la « mímica » (cf. (Guastavino, 1971, 150) et, dans une moindre mesure, la « caracterización » ou maquillage dont l’importance va alors croissant (cf. Rubio, 2005, 235 et sq.).
[5] On peut voir ici un écho à ce que dit Antoine de la scène qui ne doit pas être « une tribune mais un endroit où il se passe quelque chose » (1921, 202).
[6] Leopoldo Alas, qui a plusieurs reprises regrette l’absence, en Espagne, d’acteurs convenables, est également très préoccupé par la distribution et il essaie de trouver dans les acteurs disponibles la meilleure correspondance avec le personnage qu’il a imaginé, dans lequel il a pu se projeter et qu’il voit, avant même d’assister aux répétitions, agir sur la scène, au point de dire qu’il serait sans doute le meilleur acteur pour jouer le rôle de Fernando.
[7] Rappelons que selon Clarín lui-même « no solo su afición al teatro la había sentido como autor, sino como actor también » (Guastavino, 1971, 134).
[8] « yo escribiré comentarios desde aquí » dit-il donnant son avis sur « cómo se habían de hacer las cosas » , car « el autor debe indicar al actor, sin pretensión de enseñarle nada, cómo se acerca mejor a su idea » (Guastavino, 1971, 152). A titre d’exemple ces précisions sur la mise en scène et l’interprétation d’un moment de Teresa, où L. Alas joue particulièrement de l’italique didactique : « Cuando, después, la acción vuelve a encalmarse, la cosa toma nuevo aspecto, algo peligroso al principio para el efecto, pero no hay más remedio que abordarlo (lo pide la enjundia de la obra) sin suprimir ideas ; y usted con su gran talento, y sintiendo sabrá evitar el escollo de parecer que Teresa predica entonces, dando interés personal de sentimiento a lo que dice. Las sentencias se las inspira su dolor, clarividente, no son de sabia, las dice casi sin saber que las dice, acongojada, con voz de lágrimas.
Esa clase de sabiduría sentimental bien la puede tener una mujer buena, cristiana que padece y aguanta » (Guastavino, 1971, 150).
[9] « Creo que debo yo presenciar bastantes ensayos » (Guastavino, 1971, 141) disait-il, mais un peu plus tard il reverra à la baisse cet objectif : « yo escribiré comentarios desde aquí, y de este modo con que yo presenciara unos cuantos ensayos en los últimos días bastaría » (Guastavino, 1971, 144), ce qui sera effectivement le cas. Mais il ne renonce, en principe, à aucune de ses prérogatives d’auteur : le 27-I-1895, se référant aux « ensayos preparativos », Alas dit à Sinesio Delgado: « Yo los desensayaré si llega el caso » (Botrel, 1997, 37), et plus tard il se souviendra avoir observé « que chocaban mis maneras en el ensayo » (Guastavino, 1971, 152).
[10] Le texte de Renan est le suivant : « il y a peu de fortes vies, en effet, à la base desquelles ne se trouve le secretum meum mihi des grands solitaires et des grands hommes. L’amour de la solitude vient d’ordinaire d’une pensée intérieure qui dévore tout autour d’elle. Un jour, je citais à ma soeur le mot de Thomas a Kempis : In angello cum libello. Elle trouva le mot si joli qu’elle le prit pour devise. Vivre entre soi et Dieu est la condition pour agir sur les hommes et les dompter.
Les grandes applications patriotiques, scientifiques, charitables de la vie, viennent toutes de l’entretien prolongé avec soi même. Les hommes ne sauront jamais rien de ces exemples extraordinaires de force morale dont se réjouit l’Eternel, ce jaloux témoin des âmes, qui garde pour lui les plus beaux spectacles. Le tempérament mélancolique, le dirai-je ? est un peu le tempérament de l’Eternel. La delectatio morosa du Moyen âge est, en ce sens, la formule suprême de l’univers ».
[11] Renan (1948, 953) considère comme un trait de l’idéalisme breton la « capacité de vivre et de mourir d’une seule idée, l’amour inexprimé, toujours égal à lui-même, persistant jusqu’à la mort » et, parlant des domestiques bretonnes, il dit : « presque toujours une pensée secrète les remplit », la cause en étant «le plus souvent, un amour d’enfance, comprimé, chimérique, se doublant d’un instinct moral excessivement fort. Inavoué pour le dehors, ce sentiment règne en dedans, comme en un silence absolu. Rien n’existe pour un tel état d’âme, rien ne plaît que la pensée chère. On la caresse des heures et des heures. Pendant des années, cela peut suffire, et cela rend indifférent à tout le reste » (Renan, 1948, 953). Des lignes qui résonnent fortement dans les propos et attitudes de Teresa et de Fernando dans Teresa.
[12] « representarla como la vi y la escribí », dit L. Alas a Luis París (Botrel, 1985, 182).
[13] L’invitation à lire Emma Kosilis (en français) intervient en effet sept jours avant la première…
[14] « Yo he soñado pensando en usted, écrit Clarín, le 8-X-1894 (Guastavino, 1971, 141). Veremos si usted encuentra su cara, su voz », avant de s’en remettre totalement, le 17-III-1895. à María Guerrero, lorsqu’il écrit : « En sus manos de usted encomiendo el espíritu de Teresa » (Guastavino, 1971, 151). Une confirmation de cette intention peut être trouvée dans l’expression de la désillusion de Clarín qui n’a pas retrouvé lors de la première la María des dernières répetitions ou celle du Castigo sin venganza ou La Villana (Guastavino, 1971, 152 : « vi claramente que usted ya no veía en Teresa lo que había visto cuando tan entusiasmada escribía », lui écrit-il (Guastavino, 1971, 152) avant de lui confier : « desorientado ya respecto de lo que es usted en el fondo ».
[15] « Nostalgie de périlleuse volupté, écrit Balcou (1992,175), le souvenir de ces amours enfantines ne cessera de hanter le cœur de Renan ».
[16] Cf. García Sarriá, 1975, 273.
[17] « venía yo leyéndola (la carta de Echegaray) por la carretera de Veriña conmovido… levanto la cabeza y me da las buenas tardes la persona -a quien yo no había visto hacía años- que me había servido de idea inicial para la protagonista de mi proyecto » écrit L. Alas dans une lettre à Adolfo Posada du 22-VII-1894 (Martínez Cachero, 1969, 244).,
[18] « Yo le voy a mandar a usted fotografías del natural : la mina de mi cuento, la Teresa (Rosa) de mi cuento, otras aldeanas… », écrit-il le 18-I-1895 (Guastavino, 1971, 146-7).
[19] « ¿Por qué me habla de lo que (…) no se habló nunca ? Si todo aquello fue gloria, ¿por qué nos la enturbia ahora ? « Callamos siempre los dos » dit Teresa à Fernando (Alas, 1975, 94) ; des propos qui peuvent renvoyer à l’amour d’Emma qui « devint bientôt une complète absorption (..) qui « naturellement (…) ne dit rien de ce qu’elle éprouvait ni à celui qu’elle aimait, ni à sa famille, ni à ses compagnes » (…) et ne laisse « voir aucun signe de l’effroyable blessure » qu’elle reçoit quand Emilien se laisse marier par sa mère avec une des ses amies (Renan, 1948, 960 et sq.).
[20] On connaît l’extrême sensibilité de L. Alas à la personne de sa sœur Concha, très tôt disparue, cet « amor de hermana » dont il parle à José Quevedo (García Sarriá,1975, 271-2) et qui ressurgit dans Teresa (cf. Alas, 1975, 87).
[21] Dans Emma Kosilis, Renan (1948, 972) écrit: « comme récompense de mon œuvre de tête, je demanderais à renaître femme, pour pouvoir étudier les deux façons de vivre la vie humaine, que le Créateur a établies, pour comprendre les deux poésies des choses. Je voudrais, dans un autre monde, parler au féminin, d’une voix de femme, penser en femme, aimer en femme, prier en femme, voir comment les femmes ont raison ».
[22] Cf. Guastavino, 1971, 142. A propos de la dimension autobiographique de Fernando et de la projection de l’auteur-acteur Alas dans le personnage, on ne peut évidemment être indifférent à l’évocation par Fernando (Scène VI) de ces crises qualifiés d’enfermedad qui rappelle la « fiebre nervisoa » qui afflige Narciso Arroyo dans Cuesta abajo (Alas, 2004, 683) (« era nervioso…una angustia infinita ; horror a la soledad en que vivía ») et que Teresa avec la mère de Fernando a connu et essayé d’apaiser (« se ponía muy nervioso…¡unas ansias ! Y su madre tenía que cogerle la cabeza ; y yo, y todos, le hablábamos, le animábamos » (Alas, 1975, 90)). Ce qui amène J. Estruch (1983, 104) à penser que Teresa « queda asociada a la figura materna, es una substituta de la madre muerta ».
[23] Cf. Martínez Cachero, 1969, 1978, Romero Tobar ( 2006, 29-41, et « Relación de reseñas y críticas sobre la Teresa de Clarín », Revista de Literatura, sous presse).
[24] « hoy por hoy, y tal como tiene usted la compañía, no se puede escribir más que para usted », écrit-il et il ambitionne de lui révéler, à travers des « arreglos bien hechos de grandes poetas extranjeros », « una María que ni usted conoce » (Guastavinos, 1971, 142). La « idea capital » de Clara fe, par exemple, semblait bien être une transfiguration de María Guerrero (Guastavino, 1971, 154).