De la confrérie à l’association : la mémoire professionnelle des gens du livre en Espagne au XIXe siècle.

 

Dans l’Espagne du XIXe siècle -celle qui connaît les effets de la deuxième révolution du livre-, peu de gens du livre ont atteint la notoriété. Très rares sont dans les dictionnaires et encyclopédies espagnoles les notices concernant les imprimeurs et les éditeurs, sauf quand ils ont une œuvre par ailleurs, comme W. Ayguals de Izco, J. Yxart ou  J.-R. Jiménez ; quant aux libraires, ils sont quasi systématiquement ignorés. Il est vrai que pour la plupart ils ont été avares d’écrits personnels publics, se bornant au mieux, pour la plupart, à la publication de quelques catalogues ou à la correspondance commerciale. Par ailleurs, la structure unipersonnelle des entreprises et la faible réglementation n’ont donné lieu qu’à un flux modeste d’actes notariés. De publications régulières ou à l’occasion de célébrations d’anniversaires qui peuvent aussi être riches en informations biographiques et iconiques, il n’y en a que très peu. Quant à l’estime dont ils ont joui auprès des auteurs-écrivains, on observe que c’est rarement en bonne part –y compris dans la fiction- et que paradoxalement ce sont les plus humbles d’entre eux –les libraires d’occasion- qui ont donné lieu au plus grand nombre d’écrits, costumbristes pour la pupart. Les chercheurs eux-mêmes n’ont, pour le moment, consacré aux individus ou gens que quelques rares monographies ou de succinctes pages, certaines cachées dans des livres de plus grande envergure[1].

Bref, si l’on connaît à peu près l’appareil de production et diffusion du livre, son organisation et ses lieux et qu’on dispose des informations susceptibles de nourrir une notice concernant les librairies ou les maisons d’édition, voire les imprimeries, à la différence du Mexique, par exemple, on ne sait peu de choses sur la plupart des gens du livre de l’Espagne du XIXe siècle –il faudrait ajouter « et de la presse » car il s’agit souvent des mêmes- qui restent donc cachés derrière leur comptoir ou leurs catalogues et sont inconnus au delà de leur nom et, parfois, de leurs dates d’activité[2].

            Symptomatique du piètre positionnement social et économique des gens du livre à cette époque en Espagne est certainement la difficulté qu’ils ont rencontrée à se doter d’organisations professionnelles, mais l’examen des évolutions survenues  dans l’organisation de leurs différentes corporations permet aussi  de percevoir une affirmation  progressive des individus, mesurable au degré croissant d’auto-estime, et celle de la communauté de professionnels du livre qui, de plus en plus, manifestent leur volonté de d’associer et d’organiser la profession, et de transmettre une mémoire professionnelle, avec une prise de conscience progressive (qui culmine une première fois avec la II République), du rôle culturel et économique qu’ils jouent.

Cette tendance légitime a posteriori la quête rétrospective de données et informations éparses pour la réalisation idéologique d’une prosopographie pour partie réhabilitatrice, dans un contexte d’indéniable sous-développement de la recherche sur le livre et ses acteurs ou agents dans l’ Espagne contemporaine[3], afin de nourrir une sociologie culturelle historique , attentive au rôle d’intermédiaire culturel, plus ou moins actif ou passif, qu’ont pu jouer les gens du livre, y compris le plus obscur des libraires.

 

L’organisation des gens du livre. Au début de la période qui nous intéresse, c’est encore l’Ancien Régime du livre qui prévaut : à Madrid, la seule organisation existante, assez décadente, est une confrérie, la Hermandad de San Gerónimo fondée au début du XVIIe siècle, à des fins fondamentalement religieuses et mutualistes (cf. Paredes, 1988) et dont les tentatives pour contrôler l’accès à la profession n’ont pas connu le succès[4].  Des confréries analogues ont existé à Barcelone (depuis 1553) et Saragosse (depuis 1573)[5], de même qu’une Hermandad de Impresores de Madrid (1597), sans qu’on sache si elles ont perduré jusqu’au XIXe siècle.

Avec la disparition officielle des corporations, qui a entraîné celle d’une formation sanctionnée par un brevet, l’autocontrôle des métiers du livre se limitera donc le plus souvent à la dimension fiscale, pour la répartition, par des syndics, de l’impôt assigné aux différentes branches ou… « gremios »[6].

Pourtant, au cours du XIXe siècle,  en marge d’entreprises comme la Unión literaria[7], on peut observer quelques tentatives d’organisation des différents métiers du livre. En 1850, par exemple, est annoncée la création d’une Asociación Hispano americana de libreros editores qui, selon ses statuts, vise à « abolir le monopole sur les livres exercés par les grands éditeurs » ( Article 2°) et à « donner au commerce du livre le relief qu’il a dans d’autres nations et émanciper la littérature nationale de la tutelle des grands éditeurs » (Art. 5°), l’idée d’association étant étroitement liée à l’ambition de (re)conquête le marché sud-américain[8]. Ces réflexions et les initiatives envisagées resteront apparemment sans suite.

De fait, alors que les écrivains et artistes se dotent d’une première organisation en 1872 (Botrel, 1974), que les ouvriers du livre créent, en 1871, l’Asociación del Arte de Imprimir[9], et que les auteurs et compositeurs sans réussir à s’organiser formellement avant 1899 ont su faire reconnaître leurs droits à deux reprises[10], ce n’est que dans les années 1880, que l’aspiration à s’organiser va commencer, semble-t-il à rencontrer plus d’écho parmi certains libraires et éditeurs[11], et il faudra attendre 1899 et 1901 pour que, respectivement à Barcelone et à Madrid, voient le jour des associations ayant vocation à fédérer les « gens de livre »[12].

A Barcelone, c’est d’abord dans le secteur de l’imprimerie que le mouvement se dessine avec la création, en 1898, de l’Instituto Catalán de Artes del Libro, puis de  sa Revista gráfica en 1901[13].

Est ensuite créé le Centro de la Propiedad Intelectual[14], le 6 juin 1900, entre les personnes se consacrant à l’exercice des différentes professions concourant à la publication d’œuvres littéraires, scientifiques et artistiques (soit des éditeurs, libraires ou propriétaires de toute sorte d’œuvres) dans le but d’établir de fermes relations de fraternité et une bonne harmonie sociale et commerciale, défendre intérêts généraux des industries représentées, constituer au regard des pouvoirs publics une représentation légale autorisée à défendre les intérêts des membres associés et à veiller sur les-dits intérêts. Cette association forte d’au moins 75 membres barcelonais en 1904, et qui existera jusqu’en 1917[15], invitera ses membres, en 1905, à adhérer à la Asociación de la Librería de Madrid[16].

Celle-ci, créée le 5-III-1901 sous l’impulsion d’éditeurs et libraires madrilènes, est présentée comme une « fervente » aspiration existant depuis de nombreuses années[17]. Par sa première dénomination ( Asociación de la librería, de la Imprenta, del Comercio de la Música, de los fabricantes de papel y de todas las industrias y profesiones que concurren a la fabricación del libro y a la publicación de obras de literatura, ciencia y arte), elle affiche clairement sa volonté de réunir toutes les personnes se consacrant en Espagne à l’honorable commerce du livre »[18]. En tant que « société de défense mutuelle », elle a pour objet : « d’établir entre tous les individus des industries et du commerce par elle admis des relations constantes et de compagnonnage ; d’étudier et de défendre les intérêts généraux des industries représentées par l’Association ; de constituer une véritable représentation auprès des autorités des professions qui directement ou indirectement contribuent à  la publication et à la propagation du livre, des œuvres de Littérature, des Sciences et des Arts ». Son premier président sera  Enrique Bailly-Baillière, petit-neveu de Jean-Baptiste Marie. Rien de ce qui concerne la profession –l’organisation de son travail à travers différentes commissions en témoigne- n’est à priori étranger à cette Association. Depuis 1901, sa publication bimensuelle Bibliografía Española… qui, à l’instar du Journal Général de l’imprimerie et de la librairie (depuis 1811) ou du Börsenblatt für der deutschen Buchandel, depuis 1834, assure l’information sur les publications courantes, publie dans sa rubrique « Crónica » des articles de réflexion et signale les cessations d’activité ou la mort de ses membres, en accompagnant parfois l’information de notices nécrologiques. Elle prendra des dispositions contraignantes pour convaincre ceux qui dans les métiers du livre hésitent à la rejoindre[19].  En 1907, aux 37 membres fondateurs, se sont déjà ajoutés 1 086 membres en Espagne, 74 en Amérique et 19 ailleurs[20]. Par l’entremise de l’Association, la profession s’ouvre progressivement à l’étranger : en témoignent la reprise d’informations en provenance de différents pays d’Europe ou la tenue à Madrid, en 1908 (26-30 mai), du Congreso internacional de editores, avec 222 participants, mais aussi les Assemblées de Barcelone et Valence de 1909 et 1911[21], toutes organisées à l’initiative de l’Assocation dont les membres et leurs familles s’affichent volontiers sur les photos faites à cette occasion.

            En 1917, l’Asociación de la Librería Española devient Federación Española de Productores, Comerciantes y Amigos del Libro, et elle se transformera, en 1922, en Cámara del Libro de Madrid.

A cette même date, à Barcelone, l’éditeur Gustavo Gili, présente, lors de la Conferencia de Editores españoles y amigos del libro des 8 et 9 juin, un  Proyecto de Asociación de los amigos del libro. Cámara del libro español, parallèle à l’Asociación de la Librería Española, qui, selon lui, « se préoccupe essentiellement d’obtenir des avantages professionnels, uniquement économiques, et qui en mettant en avant notre intérêt particulier ne pouvait trouver d’écho dans l’opinion ». A cette vision il oppose la sienne : « Il nous faut renoncer, dit-il,  à notre vieille erreur consistant à considérer les problèmes du livre comme des problèmes qui ne concernent que nos affaires actuelles et les aborder de façon franche et ardente comme ce qu’ils sont en réalité : comme des problèmes vitaux qui affectent ce qu’il y a de plus profond en Espagne, sa prospérité à l’intérieur, son prestige et son influence dans toutes les nations de langue espagnole». D’où cette Chambre et association où auront leur place « tous ceux qui aujourd’hui partagent nos aspirations et tous ceux qui ressentent de l’amour pour la culture et qui sont nombreux »[22]. Le 25-VI-1918, la Cámara oficial del libro y de la Propiedad Intelectual commencera à fonctionner à Barcelona et publiera un bulletin mensuel (Bibliografía) à partir de janvier-février 1919.

S’agissant de la transmission de la mémoire professionnelle et de la formation des « gens du livre », le panorama est sans doute moins brillant : ce n’est qu’en1904 que l’Instituto de Artes del Libro fonde, à Barcelone, une  Escuela Práctica Profesional, inaugurée en 1906, et à Madrid ce n’est qu’à partir de 1908 avec la création de l’Association des employés de librairie que sont mises en place des conférences professionnelles », l’école de librairie ne voyant pas le jour avant 1929[23].

On voit donc que les gens du livre ont en Espagne tardé plus qu’ailleurs à s’organiser et, partant, à assurer l’émergence d’une conscience professionnelle, la conservation d’une mémoire et la transmission des savoir-faire propres aux différentes professions. Outre le retard ou déphasage évident par rapport à l’Europe du Nord, la double organisation de fait depuis Barcelone pour la Catalogne, le regard fixé sur l’Amérique hispanique, et depuis Madrid pour l’Espagne entière et au delà, révélatrice de cultures et sans doute d’intérêts non exactement convergents, pèse et pèsera longtemps sur les conditions d’affirmation des métiers et des secteurs du livre, la réalisation d’une éventuelle prosopographie n’ayant pas forcément les mêmes caractéristiques ni le même intérêt à Barcelone et à Madrid, et a fortiori en province.

L’examen des sources disponibles nous en fournit quelques preuves.

                                  

Les sources.   A la différence de la situation sous l’Ancien Régime, la mise en place de l’Etat libéral à partir de 1833, avec de nouveaux systèmes d’imposition et un appareil statistique au plan national, permet assez aisément de connaître, y compris au niveau d’une ville, avec quelques lacunes et limites[24], le nombre des éditeurs, libraires, imprimeurs, relieurs, etc., leur nom et leur raison sociale, le début et la fin de leur activité, ainsi que leur classement dans les différentes catégories qui composent les métiers du livre lato sensu[25]. La qualité et l’exhaustivité de telles sources peuvent s’apprécier en comparant, par exemple, les résultats fournis par un libraire, Gabriel Molina (1924),  et ceux résultant de l’exploitation de telles sources, pour Madrid[26].

            Mais il s’agit d’une source administrative et, paradoxalement, alors que beaucoup de libraires du XVIIIe siècle, par exemple, sont bien connus, on ne sait que peu de choses sur les gens du livre du XIXe, la source la mieux susceptible de nourrir l’information prosopographique et d’apprécier la réalité de l’exercice des professions, à savoir les différents Protocolos (Minutiers) qui ne sont pas toujours d’accès ni d’utilisation faciles[27], étant loin d’avoir été systématiquement exploitée.

Pour ma part, à  partir de la découverte des Registros mercantiles (cf. Botrel, Chastagnaret, 1973), grâce aux clefs d’accès qu’il donne au Protocolos à partir de 1847, il m’a été possible de recueillir des informations sur les sociétés madrilènes et accessoirement barcelonaises et partant sur les individus les composant, tous n’étant pas évidemment ce qu’on peut appeler des gens du livre puisque les capitalistes appartiennent rarement à la profession. Le système de renvoi à d’autres actes notariés permet d’enrichir l’information. Le travail est, en l’état, à poursuivre pour la période après 1880.

S’agissant des individus, l’analyse des protocoles n’existant que par étude, il faut s’en remettre à la recherche systématique au sein de l’étude identifiée, ou se résigner –comme c’est souvent le cas- aux sondages (cf. Martínez Martín, 1991, 7-15). Plus aisée est sans doute la quête d’informations pertinentes dans des villes de moindre importance, quoique les recherches connues sur Lorca (cf. Moreno, 1989) ou Lleida (cf. Botargues, 2000),  révèlent de véritables difficultés pour atteindre à l’exhaustivité.

            Les sources administratives, policières ou judiciaires lorsqu’elles ont été conservées peuvent évidemment fournir de précieuses informations, de même que la presse professionnelle, spécialisée ou même générale ; mais pour les rares renseignements relatifs aux gens du livre contenues dans les seuls 24 Diarios madrilènes dépouillés (Simón Díaz, 1968) ou Madrid en sus diarios (Agulló, 1961-1972), combien gisent encore ignorées à Madrid ou d’autres villes, jusqu’au moment où les recherches à thématique locale permet d’accéder à une nouvelle information[28] ?

            Au delà, sans garantie de grand succès, ce sont les documents émis par les gens du livre à des fins commerciales qui peuvent servir à nourrir l’information : catalogues , prospectus, Registre de la propriété intellectuelle, dépôt légal, contrats ou correspondance quand ces précieux documents ont été conservés[29], etc. L’état des archives commerciales ou privées en Espagne fait qu’on doit s’en remettre une nouvelle fois au quasi hasard pour une recherche aléatoire[30]. Sans oublier que le caractère international du commerce du livre permet de trouver des informations sur les gens du livre espagnols en Amérique Latine, mais aussi en France, en Allemagne, en Ecosse, et sans doute à Rome, etc.

            Pour le reste, seul le hasard ou le temps, permet au chercheur individuel d’espérer compléter l’information sur tel ou tel, et il n’est pas sûr qu’une recherche collective, fût-ce sur une ville et une période bien délimitée, permettrait d’accéder à beaucoup plus d’informations, dans des conditions raisonnables et, tous comptes faits, intéressantes de réalisation.

           

Pour une prosopographie des gens du livre en Espagne. Si on est loin de pouvoir réaliser pour l’Espagne, un répertoire équivalent à celui réalisé pour l’Italie[31] , avec les notices correspondantes, il existe la possibilité de nourrir une base de données sommative, les informations  qui permettent de « faire connaître les traits extérieurs, les traits d’un homme » étant d’un recueil plus aléatoire et partiel[32].

            S’agissant des libraires et accessoirement des éditeurs, l’étude panoramique que j’ai pu mener[33], outre qu’elle ouvre finalement sur une meilleure connaissance des libraires d’occasion ou antiquaires que des libraires de détail, donne une piètre idée de ceux et celles qui incarnaient la profession : il s’agit, pour leur majorité, de libraires peu qualifiés professionnellement et leur vocation ou prétention à diffuser de façon exclusive le livre ne commence à s’affirmer qu’au début du XXe siècle, à un moment où le réseau des kiosques se met en place, et que les simples points de vente officiels ou officieux sont depuis longtemps les plus nombreux[34]. D’où cette affirmation : « le personnel de la librairie espagnole donne dans l’ensemble une image peu flatteuse de son niveau culturel et tout simplement professionnel, et la profession doit accueillir à l’époque davantage de mauvais marchands de livres que de bons et grands libraires, du genre des Mariano Murillo, Fernando Fe, López Bernagosi et Verdaguer » (Botrel,  1988, 170).  On naît alors libraire comme on aurait pu naître marchand d’étoffes ; il s’agit d’un milieu assez fermé sur lui-même, endogène en quelque sorte, avec les risques de routine commerciale et intellectuelle que cela suppose, même s’il permet quelques parcours d’ascension au sein de la profession. Cela conduirait à penser qu’aussi importante que l’étude de quelques éditeurs et libraires professionnels, serait la prosopographie des industriels (des imprimeurs mais aussi des relieurs[35]) y compris certains de leurs employés ou ouvriers, comme Pablo Iglesias ou Juan José Morato, ou de non professionnels ou non libraires ou éditeurs mais influents et efficaces acteurs du monde du livre et de l’imprimé[36].

            Quoi qu’il en soit à partir de la vision synthétique proposée, il est possible de détailler l’information en attribuant à chacun ce qui lui appartient  et se trouve fondu dans l’ensemble : il se peut que, par ce biais, les gens du livre apparaissent sous un jour légèrement différent, la fonction jouée par chacun d’entre eux et les effets de leur interaction trouvant ainsi une prise en compte plus fine ou exacte, de l’histoire de quelques filiations ou modèles à travers celle  de familles espagnoles comme Hernando, Espasa, Salvat, ou à cheval sur plusieurs pays comme Salvá ou Bailly-Baillière,  à celle du libraire chiffonnier ou épicier ou encore du matutero. C’est ce qu’à sa façon, mais pour le XVIIIe siècle, projette Joaquín Alvarez Barrientos (2006), en partant de l’idée que les imprimeries et les librairies, tout comme les cabinets et autres lieux d’écriture, furent les espaces les plus spécifiques des écrivains, avec toutes les conséquences sur l’organisation du champ littéraire autour des « gens du livre », à vérifier pour le XIXe siècle au delà des tertulias de librairies, avec l’émergence du phénomène des rédactions des périodiques, par exemple.

 

Conclusion. On ne peut donc que souhaiter qu’au delà de ce qu’il a de froid et de frustrant dans la reconstitution imparfaite du profil des gens du livre en Espagne, les informations résultantes, reliées à d’autres,  prennent une autre dimension et une valeur plus générale.

Les raisons évoquées plus haut, qui tiennent aux caractéristiques des gens du livre mais aussi d’autres qui tiennent à la constitution de l’histoire du livre en Espagne encore encline à se limiter à l’Ancien Régime, et plus attentive aux chiffres qu’aux hommes, peuvent expliquer l’absence d’un traitement  strictement prosopographique des gens du livre. A contrario, l’histoire de l’édition et du livre au Mexique et au Brésil nous fournissent des exemples où la recherche –plus contemporaine et plus récente- n’a pas connu de tentations quantitativistes (ni classiques) et inscrit son approche de l’histoire du livre et de l’édition dans une perspective beaucoup plus culturelle, en faisant une meilleure part aux gens du livre[37].

On observe d’ailleurs, pour l’Espagne de la fin du XXe siècle, des évolutions intéressantes, récemment soulignées par J. A. Cordón García (2005):  même si les libraires et les éditeurs ne sont pas forcément dans le Who’s who espagnol, le nombre des monographies sur tel ou tel, l’importance accordée aux bibliophiles et collectionneurs ou aux bibliothécaires, la publication de correspondances et mémoires , la valorisation des archives conservées ou à conserver, etc., montre que l’image de l’éditeur et du libraire s’est améliorée en même temps qu’une importance croissante est attribuée aux collectionneurs et bibliophiles ou aux bibliothécaires[38].

 

            Si donc on ne se laisse pas effrayer par l’immensité[39] et le caractère ingrat du labeur ni rebuter par la modeste dimension intellectuelle de la plupart des acteurs, on peut imaginer ce qu’offrirait, la prosopographie des gens du livre en Espagne pour les XIXe et XXe siècles: un cadre de recueil et la base pour des études dans la durée de dynasties, de réseaux (incluant l’étranger, notamment l’Amérique Latine), mais aussi une source irremplaçable pour l’étude des réalités culturelles des villes de province. De précieuses informations sur des patrons de presse, collectionneurs, bibliophiles, bibliothécaires, mais aussi les illustrateurs et, pourquoi pas ?, les ouvriers et employés, les clients et amateurs inconnus bien que remarquables[40], sans oublier les auteurs, traducteurs, adaptateurs, etc. dont les initiatives, y compris éditoriales, sont évidemment à prendre en considération[41].

Bref, tous les acteurs présents dans le champ littéraire mais aussi scientifique, dans le champ culturel. Pour  d’utiles comparaisons intranationales (entre Madrid et Barcelone, par exemple) ou internationales , afin de mieux apprécier le rôle des gens du livre dans le lent et accidenté « changement culturel » de l’Espagne contemporaine, depuis une histoire culturelle attentive aux médiations et aux médiateurs.

           

 

J.-F. BOTREL (Univ. Rennes 2).

 

 

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VAUTHIER, Bénédicte, « Epistolario Miguel de Unamuno/Valentí Camp », in Unamuno, Amor y pedagogía, Madrid, Biblioteca Nueva, 2002, pp. 423-520.

 

 

 

 

 

 



[1] Les principales références peuvent être trouvées dans la partie de la bibliographie consacrée au XIXe siècle par la Historia de la edición y de la lectura. Dir. V. Infantes, F. Lopez, J.-F. Botrel, Madrid, Fundación Germán Sánchez Ruipérez, 2003, pp. 837-860.

[2] A titre d’exemple : on  a longtemps cru que le libraire Frédéric Rosa, connu pour ses éditions en langue espagnole à Paris, était un libéral émigré espagnol, alors que les Archives nationales de France le connaissent comme étant né à Wissembourg (Bas-Rhin) (cf. Botrel, 1997, 289).

[3] Cf. Botrel, 1994.

[4] Les archives de la Hermandad offrent néanmoins, à la façon des archives de sociétés, de précieuses informations sur ses membres et parfois leurs activités ou sentiments (cf. Paredes, 1988, passim).

[5] Cf. Redondo Veintemillas, 1979.

[6] Le Reglamento de la contribución de subsidio du 13-VII-1882 prévoit par exemple la nomination de « síndicos y clasificadores » par « gremio ».

[7] Fondée en 1843 par Hidalgo, Mellado et Lavergne, avec un capital d’un million de réaux, cette société prétend sortir le commerce du livre de l’état lamentable où il se trouve, abandonné qu’il est pour la plus grande part « à des mains peu intelligentes et aucunement laborieuses ».

[8] Cf. Asociación Hispano Americana de Libreros Editores, Madrid, Imprenta, Calle de la Libertad, número 10, 1850, 8 p.

[9] Cette Association –de fait, un syndicat- compte 1 229 membres en janvier 1914. D’autres orgnisations ouvrières de la branche seront créées, comme l’Unión de impresores constituée en 1904 (Zacarías Barco en est le président), une Sociedad de encuadernadores, une Sociedad de litógrafos. En 1886 et au moins jusqu’en 1890, il existe à Santander une Sociedad de Impresores, litógrafos y encuadernadores qui publie un bulletin ; l’Arte de Imprimir de Sevilla est fondée en 1899 (elle a 310 adhérents en 1914) ; la Sociedad de Maquinistas, Ayudantes y Minervistas de Imprenta « La Gutenberg » est fondée à Barcelone le 10-VII-1913, et il a existé une Sociedad Tipográfica de los obreros de Bilbao, « La Minerva » de impresores (Oviedo), ainsi qu’une Asociación del Arte de Imprimir y similares àValladolid. Du côté patronal, la Federación Nacional de las Artes del Libro publie, en février 1914, le  premier numéro de son Boletín

[10] Cf. Botrel, 1985, I, 139-142.

[11] Dans son premier numéro, Bibliografía española, l’organe de l’Asociación de la Librería Española, fait référence à un  «groupe de libraires et éditeurs qui se sont retrouvés à l’occasion des dernières réunions corporatives pour la répartition de l’impôt », dont certains figurent d’ailleurs, entre 1887 et 1900, comme membres de la Cámara oficial de Comercio, Industria y Navegación de Madrid (créée en1886). Dans le rapport de la Commission de la librairie au Congreso social y económico e hispano-americano le10-IX-1900 , Julio Nombela, Marcos Zapata et Benito Zozaya, après avoir rappelé la mission de culture générale de la librairie (à côté des « respectables intérêts industriels qu’elle représente ») et déclaré leur intention d’œuvrer à harmoniser « le portefeuille et la conscience» et de rendre compatibles « le profit et l’honorabilité», tout en affirmant que « l’initiative individuelle inspirée de la très noble histoire du commerce est appelée à élargir sa sphère d’action y à obtenir qu’elle remplisse simultanément sa double mission d’ordre intellectuel et d’ordre économique » (2e conclusion), appellent à la consitution de syndicats « pour défendre les intérêts de de notre classe, d’assainir l’atmosphère dans laquelle vit la librairie, etc. » (3e conclusion). 

[12] Cf. Martínez, Martínez, Sánchez, 2004, 35-72 («  La configuración del asociacionismo corporativo. 1900-1922 »). Comme on sait, la Stationers’Company de Londres existait depuis 1403, le Börsenverein der Deutschen Buchändler depuis 1825 et le Cercle de la Librairie depuis 1847.

[13] En 1897, à Barcelone, Bibliografía Española. Revista de las publicaciones avait eu pour projet de « faire une récopilation de tous les catalogues courants en Espagne et mettre MM. les libraires et commissionnaires en livres au courant de toutes les publications qui viendraient à se faire » (n°1 du 4-III-1897). La Revista de bibliografía catalana, uniquement consacrée aux livres en catalans, sera publiée par L’Avenç à partir de 1901.

[14] Proyecto de Estatutos del Centro de la Propiedad Intelectual (Barcelona, Imprenta de Salvat e hijo, s. d., 8 p.).

[15] En 1912, c’est Pablo Riera qui en est le président, et, en 1917, Pablo Salvat. Il fut à un moment prévu qu’elle évolue vers une Cámara de la Propiedad Intelectual, mais c’est, semble-t-il, le projet de G. Gili qui remportera l’adhésion sous forme d’une Asociación de los Amigos del libro intitulée Cámara del Libro Español.

[16] Cf. Catellano, sous presse.

[17]  Selon S. Calleja (Bibliografía española, n° 11, 1-VI-1904), il s’agit d’une entreprise «que ya se había iniciado en 1880 » et  d’une « necesidad expresada por el reciente Congreso Hispano Americano ».

[18] Elle aussi vocation à moraliser la profession et à lutter contre les pratiques clandestines du métier : contre les matuteros ou libraires clandestins, « tanto parásito que se llama librero sin serlo, pues nada ha hecho por merecer este título » (Bibliografía española, 16-IV-1904, p. 51).

[19] La Asociación de la Librería Española tente d’imposer la pratique d’une remise inférieure de 5% aux non membres et même plus drastiquement le refus de vente ;  « il y a quelque peu d’imposition dans notre projet, mais il s’agit d’une imposition si noble, douce et nécessaire que nous espérons ne nous aliéner la faveur d’aucun commerçant digne et honorable » écrit, le 24-XII-1903, Saturnino Calleja a Francisco Simón y Font, président du Crédito.

[20] Cf. le Nomenclator de 1907. En 1912, il existe una Asociación de los libreros de Bilbao. Une association des employés de librairie sera créée en 1908, et, cette même année, on trouve un Proyecto de Asocación Española de Editores y Negociantes de Música. En 1905, il existe à Buenos Aires, un  Centro de Unión de Libreros, impresores y anexos.

[21] En juin 1912, à l’occasion du Primer congreso nacional de las artes del libro, se tiendra une  Asamblea organizadora de la Federación Nacional de las Artes del Libros. Toutes ces réunions renvoient une image d’une corporation déjà plus homogène cohérée (à travers des photos de groupe, par exemple), et on commence à autocélébrer les « coopérateurs de l’œuvre intellectuelle en Espagne », ainsi que les éditeurs qui, à Madrid (10 au total) et Barcelone (19) et dans d’autres villes (31), ont par le passé obtenu la généralisation des livres espagnols sur les marchés américains « réussissant par là à atténuer toute sorte de ressentiments et à préparer « la fraternelle amitié qui règne aujourd’hui entre l’ancienne métropole de Charles Quint et les émancipées et florissantes républiques américaines ». En 1911, se fait jour un Proyecto de Constitución de la Sociedad Anónima Unión Librera latino-americana (Barcelona, Imp. Heinrich y Ca , s. d. , 24 p.), pour l’organisation des exportations vers l’Amérique. Au total, les libraires et éditeurs sont cependant plus diserts sur leurs pratiques commerciales que sur eux-mêmes.

[22] Proyecto de asociación de los amigos del libro. Cámara del libro español, presentado por D. Gustavo Gili a la Conferencia de editores Españoles y Amigos del libro celebrada en Barcelona en los días 8 y 9 de junio de 1917, en la cual fue aprobado por unanimidad, p. 11. Seront effectivement représentés à cette Conférence, outre une majorité d’éditeurs et libraires de Barcelone et 31 madrilènes, des universitaires, des entités économiques et culturelles des écrivains (les frères Quintero, J. Benavente, Concha Espina, Eugenio d’Ors, Rafael Altamira qui sera le premier président de l’association), un patron de presse (Torcuato Luca de Tena), et un bibliophile  (Ramón Miquel i Planas) prendra la parole… Pour Gili (cf. Bibliografía Española,1917, n° 24),  « au sein de la future Chambre les composantes intellectuelles doivent être prépondérantes ». Voir également :  Conferencia de Editores y Amigos del libro celebrada en Barcelona durante los días 8 y 9 de junio de 1917, Barcelona, P. Salvat, MCMXVII et Olives Canals, S., « Un cincuentenario : Conferencia de editores españoles y amigos del libro del año 1917 en Barcelona », El Libro español, Madrid, X, n° 118 (1967), pp. 820-829.

[23] En 1904, S. Calleja avait réclamé la création à Madrid d’un Instituto de Artes Gráficas, à l’instar de celui de Barcelone. Il serait évidemment souhaitable d’avoir une meilleure connaissance des ouvriers et employés du livre, du linotypiste à l’employé de librairie, en passant par les commissionnaires et répartiteurs de livraisons, pour prendre quelques exemples, dans la mesure où ils font objectivement partie des gens des livres.

[24] Des statistiques nationales sont établies à partir de 1857 (cf. Estadítica administrativa de la contribución industrial y de comercio) mais les catégories retenues pour le classement varient ou évoluent; d’où une certaine imprécision au moment d’évaluer la réalité et l’importance respective des différentes catégories… Au niveau de Madrid, pour la période antérieure on dispose, à l’Archivo de la Villa de Madrid(Corregimiento ou Secretaría) de listes de contribuables au titre du Subsidio industrial y de comercio (cf. Martínez Martín,1990, 1994). 

[25] Pour Madrid, le Padrón de la Matrícula de Contribución Industrial y de Comercio aujourd’hui conservé à l’Archivo General de la Administración (Alcalá de Henares), recensait en 1859 les Editores de periódicos políticos y editores de periódicos científicos, les  Editores de Obras dramáticas, devenus en 1862, Empresas o editores de obras dramáticas o de otras materias, puis, en 1874-5, Empresarios o Editores de obras jusqu’en 1914, les Imprentas, devenu en 1880 : Impresores puis Talleres de imprimir (en 1883-4) ; les Encuadernadores, Almacenistas de papel puis Objetos de escritorio ; les Traficantes en libros viejos en puestos fijos o en portales (en1879 : o tiendas), devenu en1889-90, tiendas o puestos fijos para la venta de libros usados ; les Libreros con tienda o almacén aunque encuadernen los libros que vendan. A partir de 1863, on trouve aussi les catégories : Gabinetes de lectura, Establecimientos de litografía, Fábricas de papel, Establecimientos de fotografía ; en 1904 : Vendedores en ambulancia. Toutes ces dénominations administratives sont évidemment à confronter avec celles des intéressés eux-mêmes, qui semblent accepter la répartition effectuée en leur nom par des « syndics classificateurs » issus de leurs rangs. Toutes ces catégories sont également visées par la Estadística administrativa de la Contribución Industrial y de comercio. En 1920, les statistiques nationales distinguent les patrons des non-patrons ainsi que leur sexe : il y a par exemple, 3 employées de librairie à Madrid en 1920 et 427 dans toute l’Espagne sur 2 589  au total.

[26] Dans l’appendice 9 de la version originale de ma thèse (1985, tome II, pp. 487-492), je répertorie, pour la période 1856-1917 quelque 400 libraires (de tous genres) et éditeurs madrilènes, quand dans la brochure de Gabriel Molina seuls une centaine sont sommairement pris en compte, sans toujours garantie d’exactitude. Les données recueillies par P. Pascual (1994), plus abondantes, ne sont pas plus explicites.

[27] Il faut en particulier tenir compte du fait qu’un délai de cent ans est imposé pour la consultation de tels documents et trouver l’information pertinente sur chaque acteur. Par des consultations semi-aléatoires à la recherche d’inventaires de bibliothèques, J. A. Martínez Martín (1991) a cependant trouvé de précieuses informations sur des éditeurs de l’époque isabéline utilisées en particulier dans son livre sur l’édition en Espagne (2001).

[28] C’est le cas, par exemple, pour Logroño avec l’exploitation du bulletin bibliographique La Luz riojana (1844) par Ernesto Puertas (2004), par exemple.

[29] Certains chercheurs, comme Philippe Castellano, ont dû sauver, en les acquérant, une partie des archives de maisons aussi importantes que Salvat…

[30] Cf. Botrel (1974), Bensoussan (1982), Blanquat, Botrel (1981) , Herraez (1999), De Martínez (2001), Botrel (2003), etc. Au total, on dispose de très peu de photographies ou de portraits, et de documents originaux émanant de gens du livre. L’existence pendant longtemps de la Biblioteca Bergnes de las Casas , dont le fonds est aujourd’hui conservé à la Biblioteca de Catalunya à Barcelone, a permis le recueil d’informations somme toute inespérées, mais on regrette l’absence en Espagne de quelque chose d’équivalent à l’Institut de la Mémoire de l’Edition Contemporaine (IMEC) en France.

[31] Editori italiani dell’Ottocento. Repertorio (Milano, F. Angeli, 2004, 2 vol.)

[32] Les informations que j’ai recueillies  sur quelque 400 « Libraires et éditeurs madrilènes recensés au registro de la Contribución Industrial (1856-1917) » (Botrel, 1985, II, 487-512) concernent les Noms et prénoms, l’activité principale (au regard de l’administration fiscale) (Editeur, Libraire, Libraire d’occasion), les dates extrêmes d’activité, les adresses successives, avec la mention d’éventuelles filiations. Telle ou telle notice aurait déjà pu être enrichie à l’époque -a fortiori aujourd’hui-, dans la perspective d’une prosopographie plus systématique.

[33] Cf. Botrel, 1988 et, en particulier, « Les moyens humains » (pp. 162-197 ) ; « La librairie en situation » (pp. 197-203),  « Les libraires et la prédestination », « Libraires et commis dans la société commerçante », « Le niveau culturel des libraires »…

[34] Notamment pour l’édition religieuse et scolaire.

[35] Surtout tant que la reliure industrielle ne s’est pas développée (ils sont entre 60 et 80 à Madrid, entre 1860 et 1870, par exemple). Un simple papetier peut encore abriter un actif intermédiaire culturel et les grandes entreprises de fabrication du papier, de lettres d’imprimerie ou de machines  et leurs dirigeants influer décisivement sur la production du livre, d’un point de vue matériel mais aussi culturel.

[36] C’est le cas, par exemple, de Bartolomé José Gallardo (Rodríguez Moñino, 1955/1994), des collaborateurs de la Biblioteca de Autores Españoles (Botrel, sous presse), de Lasso de la Vega (Martínez Montalvo, 2000), ou d’ Unamuno (Vauthier,XXX).

[37] Cf., par exemple, Suárez de la Torre (2001, 2003) ou Bragança (1999).

[38] Cf., par exemple, les deux livres de H. Escolar (1989, 1999), la biographie de J. de Oteyza (Mangada, Pol, 1997), les recherches d’A. Martínez Rus (2005) sur León Sánchez Cuesta, celles sur J. Martínez et Ruedo Ibérico, la publication de la correspondance de Delibes avec son éditeur Vergés (2002), ou les récents livres sur les éditeurs contemporains, à une époque où les autres acteurs -sauf les relieurs artistes- demeurent méconnus parce que fondus dans une organisation plus capitaliste.

[39] A titre d’exemple, au milieu du XVIIIe siècle à Madrid, on comptait 28 ateliers d’imprimeurs  et 60 librairies ou points de vente (Infantes, Lopez, Botrel, 2003, 348-355) ; mais en 1879, on en compte 98 (+ 246 libraires imprimeurs) et 222 patrons en 1920; pour la librairie de détail : 59 en 1857 et 36 en 1913. En 1914, il y avait 129 libraires d’occasion dans toute l’Espagne dont 35 à Madrid. Pour toute l’Espagne, en 1920, 2 209 patrons de l’industrie du livre et 886 commerçants (non patrons : 7 453 et 495), 1 056 écrivains (dont 84% à Madrid et Barcelone). Ce qui représente quelques milliers d’individus à considérer….

[40] Pedro González, curé intérimaire de Soto de Cameros, par exemple (cf. Botrel, 1988, 188).

[41] Comme Luis Ruiz Conteras, acquéreur auprès d’Ollendorff des droits de traduction de la série des Claudine (cf. Botrel, 1970, 4).